Février 2025
Cette semaine, otopo s’immerge entre les vallées de Lignarre et de la Malsanne, sur les pentes du col d’Ornon (en Isère). Nous partons à la découverte de ce territoire de montagne à cheval entre la Matheysine (un plateau montagneux aux alentours de Grenoble) et le massif de l’Oisans, célèbre pour ses grandes stations de ski. Grâce à l’accueil du gîte Le Chantelouve, situé pile sur le col, nous allons pouvoir réaliser une Résidence territoriale.
L’objectif de cette résidence est de réfléchir au(x) futur(s) des deux vallées qui descendent de part et d’autre du col d’Ornon : la vallée de la Malsanne et la vallée de la Lignarre. Les deux vallées peinent à coopérer et à exister ensemble dans l’imaginaire commun. Un fil directeur nous suivra cette semaine : étudier comment les vallées interagissent, leurs cultures d’habiter local et surtout les perspectives que dessine le changement climatique dans ces territoires de montagne.
Arpentages, cartographies, entretiens puis restitution, vous retrouverez toutes nos actions et réflexions dans cette rubrique du site, ou dans nos story instagram (@otopo_collectif), durant toute la semaine.


Jour 1
Samedi matin, départ à 9h du QG (cf le Topo n°00), presque tout le monde à l’heure. Direction Vizille d’abord, dans les bouchons du départ au ski, le reste de la troupe nous rejoint en bus le lendemain. Vizille, les courses d’otopo pour bien vivre la semaine : “imaginer le futur des territoires pendant le goûter” : chocolat, café, tisane, clémentine…. Après Vizille la route défile, l’arrivée dans les écrins nous cache une vue immense qu’on ne découvrira que le dimanche au lever.
Après l’installation au gîte, cap sur la première vallée qui descend vers le sud-ouest pour un premier arpentage : on descend tout de suite à Valbonnais pour ensuite remonter la vallée étape par étape. Entraigues, le Périer, Chantelouve, on découvre les hameaux dans le froid et la neige, pas grand monde à part des chats qui se balade. On remonte jusqu’à la petite station du col d’Ornon, où trône un micro-téléski qui s’étonne de l’enneigement actuel. L’année dernière la station n’a pu ouvrir que 5 jours sur toute l’année. La lumière décline, c’est la fin de l’arpentage, on rejoint la grande salle chauffée du gîte, des groupes sont attablés et attendent le repas avec impatience. Nous aussi, ça creuse d’explorer un territoire !

Jour 2
Après une arrivée dans la brume la veille, nous découvrons les paysages abruptes du col d’Ornon au réveil. Grand soleil dehors, le gîte de Chantelouve est encore rempli de fondeurs et gens de passage, la grande salle avec le poêle résonne.
Le matin, le groupe se scinde en deux : une partie décide d’aller voir la vente de boudins “ les cochonnailles” organisée par les chasseurs de la vallée. Guillaume devient le “fils de Paco” le temps d’une salle polyvalente, une dame âgée l’ayant confondu avec le fils d’un des fameux chasseurs. La rencontre avec les visiteurs (principalement masculins) nous permet d’aborder des questions cruciales du territoires : la cohabitation élevage/prédateurs, la chasse, la biodiversité, les décisions politiques, le parc national des écrins comme sujet clivant… certain.es ressentent un sentiment de dépossession face aux réglementations toujours plus nombreuses et d’autres profitent de l’attractivité touristique apporté par le label.
L’autre équipe décide d’aller visiter le seul café de la vallée ouvert tous les jours sur la place du village à Entraigues “le Gargas”. On arrive sur place à 10h, 2 hommes sont accoudés au comptoir et discutent avec la gérante. Un peu plus tard 3 jeunes arrivent, ils nous confient qu’ici on ne voit que les hommes, que les habitantes sont invisibles. Pourtant 2 des trois bars de la vallée sont tenus en partie par des femmes et les villages comptent deux mairesses. Entre 10h et 11h l’activité dans le bar fluctue, il y a quand même un peu de monde qui vient prendre des cafés, certain.es sortent 10min pour aller chercher des viennoiseries dans la boulangerie voisine. En sortant on découvre les traces d’un marché, des épinards et des poireaux parsèment le parking de la place.
L’après-midi nous permet de continuer notre transect de vallée mais cette fois-ci de l’autre côté du col, direction Bourg d’Oisans, la vallée qui plonge. Le paysage est plus escarpé, les services sont moins marqués, on ne croise pas grand monde à part sur les sentiers de randonnée qui débouchent sur les noyaux villageois. Le Taillefer tombe à pic, la remontée dans les virages nous brasse.
Ces deux derniers jours nous ont permis de réaliser un premier transect du Col d’Ornon. De Valbonnais à La Paute nous avons, tel Hannibal, traversé les montagnes à dos d’éléphant. Ce transect, couplé à des entretiens et des discussions, nous a permis de récolter tout un tas de données qu’on tente maintenant de mettre en forme. La suite de la semaine s’organisera entre temps de travail au gîte et rencontre avec les acteurs de la vallée.


Jour 3
Le réveil se fait toujours aussi doux sous le soleil du col. Le gîte s’est vidé, le calme permet une pause après l’effervescence des premiers jours. Ce matin, on commence par une rencontre avec un garde-moniteur du parc national des Ecrins, l’occasion de parler organisation et missions du parc, relation aux collectivités, mais aussi biodiversité, mise en tourisme des vallées et réserve intégrale. Une discussion qui remet bien la complexité de l’écosystème au centre de la vallée.
L’attirail de travail change de pièce pour rejoindre la grande salle chauffée du gîte. Le poêle crée une ambiance chaleureuse, une table se remplit de nos livres, emmenés jusqu’ici pour nous inspirer.
La matinée continue avec un temps en petits groupes : on réfléchit aux manières d’aborder la prospective territoriale, on glâne quelques références sur les transformations des territoires de montagne, on se plonge dans les données INSEE. Une esquisse de carte sensible prend forme autour du calque et de quelques acrobaties sur la table (le territoire est long).


Déjeuner bien mérité sur la terrasse, entre la neige et avec la vue sur le massif, on ne s’en lasse pas. L’après-midi nous sépare en plusieurs groupes pour aller à la rencontre de deux habitantes de longue date du territoire. Les entretiens nous permettent de creuser les pistes relevées pendant nos arpentages. Au gîte, l’atelier carte bat son plein.
L’après-midi nous permet un temps collectif pour finir notre discussion sur la prospective, et un autre pour échanger sur les constats. La machine est lancée, les idées fusent.
On ponctue la journée avec la communication pour les uns, et un dernier entretien pour les autres, avec une habitante née dans la vallée en 1940. Entre colporteurs, marche, et baluchons, les récits des anciens sont toujours aussi précieux et nous raconte l’interdépendance au sein et avec les extérieurs il y a déjà 40 ans.

